20 ans de la « loi handicap » du 11 février 2005
La loi du 11 février 2005 sur le handicap vise à garantir l’égalité des droits et des chances des personnes en situation de handicap. Elle instaure l’accessibilité universelle, le droit à la compensation du handicap et renforce l'obligation d’emploi des travailleurs handicapés. 2025 marque son 20ème anniversaire. Retour sur les grandes lignes de la loi, de son impact sur l'emploi et sur l'évolution des Cap emploi.
La loi fondatrice du 11 février 2005
Cette loi a été portée par le sénateur honoraire Paul Blanc président d’honneur de l’ADRH qui gère les Cap emploi Gard et Pyrénées orientales.
1-Une redéfinition du handicap
La loi dite « loi handicap » du 11 février 2005, pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, pose pour la première fois dans le code de l’action sociale et des familles une définition inspirée de la classification internationale du handicap : « Constitue un handicap (…) toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant. »
2-Un impact sur tous les champs de la vie
La loi impacte alors de nombreux champs de la vie quotidienne : logement, mobilité, emploi, scolarité.
3-un principe d’accessibilité universelle, principe de droit commun
Elle pose les principes de non-discrimination et d'accessibilité : "Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions."
Selon la loi, ce n’est plus à la personne de s’adapter mais bien à l’ensemble des acteurs . C’est un principe de droit commun. L’obligation d’accessibilité s’impose ainsi aux différentes composantes de la vie collective : établissements recevant du public (ERP), locaux professionnels, logements, transports, voirie, écoles, services publics, moyens de communication publique en ligne, loisirs.
4-Le droit à la compensation du handicap
La loi pose le principe du droit à compensation pour la personne en situation de handicap, afin de "faire face aux conséquences de son handicap dans sa vie quotidienne". C’est pourquoi une Prestation de Compensation du Handicap (PCH) est créée pour prendre en charge les surcoûts liés au handicap.
5-la création des MDPH
La loi instaure le principe d’un lieu unique destiné à faciliter les démarches des personnes handicapées. Dans chaque département, une Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) est créée et offre un accès unifié aux droits et prestations prévus pour les personnes handicapées. La Maison départementale des personnes handicapées exerce une mission d’accueil, d’information, d’accompagnement et de conseil pour les personnes handicapées et leurs familles.
6- Sur le plan de l’emploi plus spécifiquement
La priorité au milieu ordinaire, l’affirmation du principe de non-discrimination et l’obligation d’aménagement raisonnable
La loi du 11 février 2005 donne la priorité au travail en milieu ordinaire. Bien que cette priorité donnée ait mis du temps à prendre racine auprès des structures et des entreprises, elle amorce une évolution majeure dont l’impact s’en ressent encore aujourd’hui avec les mesures de la Conférence Nationale du Handicap (CNH) ou la dernière loi « Plein emploi ».
Aussi, la loi du 11 février 2005 affirme le principe de la non-discrimination à l'emploi. Ainsi, les entreprises sont amenées à prendre des mesures adaptées afin de permettre aux travailleurs handicapés un accès à un emploi (ou de le conserver). La loi inscrit ainsi l'obligation d'aménagement raisonnable pour tous les employeurs qui consiste à prévenir les discriminations en prenant des mesures concrètes permettant à une personne en situation de handicap d'être à égalité des autres à tous les moments de son parcours professionnel.
L’obligation d’emploi de travailleurs handicapés et la création du FIPHFP
La loi du 11 février 2005 réaffirme l'obligation d’emploi de travailleurs handicapés pour les employeurs qui s‘élève à 6 % de l’effectif d’assujettissement (loi de 1987) . L'objectif est d'impliquer plus grandement les employeurs dans la mise en œuvre des mesures pour l'emploi des travailleurs handicapés. Pour inciter les employeurs à atteindre ce taux, un mécanisme d’incitation financière est mis en place : les employeurs qui ne respectent pas l’obligation d’emploi de 6% de travailleurs handicapés sont soumis à une contribution financière. Ces contributions sont versées à l’Agefiph (Association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées.) pour le secteur privé et au FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), pour la fonction publique. Le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP) a été créé par l'article 36 de la loi du 11 février 2005. Il a pour mission de « favoriser l'insertion professionnelle des personnes handicapées au sein des trois versants de la Fonction publique, ainsi que la formation et l'information des agents en prise avec elles. » L’Agefiph et le Fiphfp appuient les employeurs dans les actions menées en faveur de l’insertion et du maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, via des aides financières de diverses natures.
Une politique d’insertion professionnelle plus inclusive
Quel impact de la loi pour les Cap emploi ?
En donnant une définition large des situations de handicap, la loi du 11 février 2005 a mis en exergue la nécessité de porter une politique volontariste au regard du nombre de personnes concernées, et un accompagnement de droit commun adapté aux demandeurs d’emploi en situation de handicap.
D’une part, la loi reconnait aux Cap emploi le statut de co-traitant du Service Public de l’Emploi (SPE) ainsi que la nouvelle dénomination d’Organisme de Placement Spécialisé (OPS). La gouvernance et le pilotage nationaux des OPS (Cap emploi) sont donc confiés aux trois financeurs que sont l’AGEFIPH, le FIPHFP et l’ANPE. L’État garde le rôle de chef de file garant de la mise en œuvre des politiques publiques. Cette loi aura un héritage dans les autres lois à venir qui renforceront la place des Cap emploi dans l’accompagnement des personnes en situation de handicap et des employeurs.
20 ans des Organismes de Placement Spécialisés , l’héritage de la loi 2005 pour le réseau des Cap emploi
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Une dimension handicap inéluctable pour les lois qui suivront
En imposant une accessibilité universelle, la loi du 11 février 2005 a permis de poser les bases d’une véritable politique handicap ! Cette dimension handicap va ainsi ruisseler et structurer les lois à avenir, en faveur de l’inclusion des personnes en situation de handicap.
- 2005 : création du Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique (FIPHFP) afin d’étendre l’OETH à la fonction publique.
- 2008 : création du Défenseur des droits afin de veiller au respect des droits et libertés. Le défenseur des droits publiera en 2017 le guide de l’aménagement raisonnable
- 2011 : la loi sur l’accessibilité numérique qui impose l’accessibilité des sites internet publics pour les personnes en situation de handicap. Cette obligation sera renforcée par la directive européenne de 2016 sur l’accessibilité du web.
- 2016 : la loi Travail qui intègre les missions d’accompagnement dans l’emploi dans les missions des Cap emploi pour fluidifier les parcours des personnes et des employeurs faisant écho aux principes prônés par la loi 2005
- 2018 : réforme du système de l’apprentissage et de la formation continue ayant pour conséquence la liberté de choisir son avenir professionnel pour tous- Nouvelle loi handicap intégrée à la loi pour la liberté de choisir son Avenir Professionnel: création d’un référent handicap obligatoire dans toutes les entreprises de plus de 250 salariés, déclaration d’obligation d’emploi des travailleurs handicapées obligatoires, quelle que soit la taille de l’entreprise, suppression du renouvellement de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) pour les personnes dont le handicap est irréversible
- 2019 : la loi "Transformation de la fonction publique » qui facilite l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique : possibilité d’aménagements spécifiques dès le recrutement, encouragement au recours au contrat d’apprentissage pour les personnes en situation de handicap.
- 2021 : la loi "Santé au travail" qui renforce la prévention en entreprise pour éviter les situations de handicap lié au travail : meilleur accompagnement des salariés en difficulté pour éviter des ruptures de parcours professionnel, renforcement du rôle du médecin du travail dans l’anticipation des risques d’inaptitude.
- 2023 : la Conférence National du Handicap du 26 avril 2023 a abouti à 17 propositions concrètes et transformatrices avec une ambition majeure : cesser d’enfermer les personnes dans des dispositifs et des parcours spécifiques et rendre l’environnement professionnel de droit commun accessible quel que soit le handicap. Ces propositions ont été répartis sur 4 grands thèmes : (1)confier au service public de l’emploi l’accompagnement de toutes les personnes handicapées recherchant un emploi et améliorer l’orientation professionnelle, (2)favoriser l’accès à la formation « ordinaire », (3) améliorer l’accès et (4) favoriser l’engagement des employeurs privés et publics
- 2023 : la loi pour le plein emploi visant à mieux accompagner les demandeurs d’emploi et les entreprises, avec notamment la création du Réseau Pour l’Emploi.
- 2024: suppression de la prise en compte des revenus du conjoint pour l’AAH
L’Europe sur le même chemin....
La loi du 11 février 2005 et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) adoptée par l’ONU en 2006 partagent une même ambition : renforcer les droits des personnes en situation de handicap et promouvoir leur pleine participation à la société.
- 2006 : adoption par l’ONU de la nouvelle Convention sur les droits des personnes handicapées en matière de droits civils, économiques, politiques, sociaux et culturels.
Adoptée et ratifiée par de nombreux pays, dont la France en 2010, cette convention établit un cadre juridique international pour la protection des droits des personnes handicapées. Elle reconnaît le handicap comme une question de droits humains et non seulement comme une problématique médicale ou sociale. « Les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l'égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l'inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l'exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d'emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives ».
Quelques chiffres clés "emploi et handicap"
En 2023, près de 3,1 millions de Français disposent d’une reconnaissance administrative d’un handicap. Ils représentent 7,5 % de la population des 15-64 ans. Parmi eux, 80 % ont un handicap invisible.
En 2023, on recensait 1 205 000 travailleurs handicapés en emploi tous secteurs confondus.
EN EMPLOI (décembre 2023) :
- 51 % sont des femmes (49 % pour le tout public)
- 33 % sont à temps partiel (17 % pour le tout public)
- 50 % ont 50 ans et + (31 % pour le tout public)
- 11 % sont des cadres (22 % pour le tout public)
TAUX D’EMPLOI (2023) :
- Secteur privé : 3,5 %
- Secteur public : 5,66 % *
*Le taux d’emploi dans la fonction publique n’est pas calculé de la même manière que dans le privé.
EN RECHERCHE D’EMPLOI (décembre 2023) :
- 474 413 demandeurs d’emploi Handicapés : 12 % (7 % pour le tout public)
- 51 % sont des femmes (51 % pour le tout public)
- 53 % ont 50 ans et + (27 % pour le tout public)
- 55 % sont en chômage longue durée (>1 an) (44 % pour le tout public)
- 38 % ont Bac et + (55 % pour le tout public)
(source : Agefiph)
Les résultats du réseau des Cap emploi en 2023
- 207 275 retours à l'emploi des DEBOE * dans le cadre des Lieu Uniquement d'Accompagnement avec France Travail au-dessus de la cible fixée à 192 144 retours à l’emploi
- 24 385 maintiens dans l’emploi réussis (+4 % vs 2022)
*Demandeurs d'Emploi Bénéficiaires de l'Obligation d'Emploi
Quelques données sur l'évolution de l'emploi des personnes en situation de handicap
La Dares publiait en 2023 une étude intitulée "Le taux de chômage des personnes reconnues handicapées recule nettement entre 2015 et 2022"
En 2022, 38 % des personnes reconnues handicapées sont en emploi, soit près de deux fois moins que dans l’ensemble de la population. Leur taux de chômage atteint 12 %, en nette baisse par rapport à 2015 (17 %).
Les points clés soulevés par cette analyse :
- Des personnes deux fois moins souvent en emploi et nettement plus fréquemment au chômage
- Entre 2015 et 2019, une évolution des taux d’emploi et de chômage comparable à celle de l’ensemble de la population
- Un effet plus marqué de la crise sanitaire sur les comportements d’activité
- Des travailleurs plus âgés et davantage ouvriers ou employés